Le contexte : une reprise attendue mais encore fragile
Depuis fin 2022, le secteur immobilier traverse une zone de turbulence alimentée par la politique monétaire restrictive de la Banque Centrale Européenne. En relevant brutalement ses taux directeurs pour freiner l'inflation, la BCE a provoqué une flambée du coût des emprunts. Résultat : un effondrement des volumes de vente dans l'ancien, atteignant jusqu'à -35% au plus fort de la crise.
La situation n'a pas été compensée par le marché locatif, pourtant historiquement un amortisseur. L'effet cumulé de la fin de dispositifs fiscaux incitatifs, des contraintes réglementaires accrues liées à la rénovation énergétique et de la frilosité bancaire a découragé de nombreux investisseurs. Dans le neuf, les mises en chantier se sont effondrées, passant de 400 000 en 2022 à 258 000 en 2024, entraînant la perte de 30 000 emplois dans le bâtiment.
Et pourtant, les signaux de reprise s'accumulent en ce printemps 2025. L'Insee note une légère hausse des ventes dans l'ancien, atteignant 794 000 transactions, tandis que les permis de construire et les mises en chantier redémarrent doucement. Pour les notaires de terrain, les premiers mois de l'année confirment une dynamique en cours, même si celle-ci reste encore timide.
Un changement de paradigme dans l'accès au crédit
L'une des clés de lecture de cette reprise naissante réside dans le retour à des conditions de financement un peu plus favorables. Après une période d'extrême prudence, les banques redeviennent plus souples, tant sur les taux proposés que sur les conditions d'octroi. L'érosion de l'inflation permet une stabilisation, voire une légère baisse des taux nominaux.
Ce changement impacte directement la capacité d'achat des ménages. Nombre de primo-accédants, jusque-là exclus du marché, commencent à reconstituer leurs projets. Les profils modestes, souvent accompagnés par des aides locales ou des montages via le prêt à taux zéro, retrouvent une place dans les simulations de financement.
Cette amélioration, bien que progressive, permet de fluidifier à nouveau les parcours résidentiels : les vendeurs peuvent envisager une revente sans décote majeure, et les acquéreurs retrouvent une visibilité suffisante pour s'engager.
Une activité transactionnelle en hausse mesurée
La dynamique observée depuis le début de l'année n'est pas uniforme, mais elle est significative. Dans les grandes métropoles comme dans les zones périurbaines dynamiques, les professionnels constatent une augmentation du nombre de compromis signés depuis février. À Pacé, près de Rennes, Arthur Pinel évoque une " reprise lente mais réelle des volumes depuis mi-janvier ".
Les dernières enquêtes d'opinion menées auprès des correspondants notariaux vont dans ce sens. La proportion de professionnels anticipant une augmentation de l'activité passe de 29 % à 44 % en seulement deux mois. À l'inverse, ceux qui prévoient une baisse ne sont plus que 22 %, contre 24 % précédemment. Un retournement psychologique est donc en cours, alimenté par une amélioration du climat économique global.
Des prix globalement stables, mais des signaux à surveiller
Sur le front des prix, la tendance reste à la stabilité. On ne peut parler de hausse généralisée, mais plutôt d'un ajustement progressif. Là où les baisses étaient marquées fin 2023, on constate aujourd'hui une atténuation. La part des professionnels anticipant une baisse des prix recule (de 34 % à 30 %), tandis que ceux misant sur une hausse stagnent proche de 0 %.
Ce phénomène peut paraître paradoxal, mais il reflète une réalité du terrain : les prix de vente affichés ne remontent pas nécessairement, mais la proportion de ventes conclues avec une forte négociation diminue. Ce qui, mécaniquement, stabilise les prix moyens.
Dans le secteur des terrains constructibles, le solde d'opinion remonte légèrement, signe d'un frémissement chez les promoteurs et les particuliers anticipant une relance de la construction. Quant aux commerces, les incertitudes géopolitiques et les déclarations du nouveau président des États-Unis semblent peser sur les projections, avec un regain de prudence observé.
Le bon timing pour vendre avant d'acheter ?
La grande majorité des notaires interrogés recommandent à leurs clients de vendre avant de se positionner sur un nouvel achat. Cette stratégie, logique dans un marché encore hésitant, permet d'éviter une double charge financière et sécurise le plan de financement.
Cette recommandation s'impose notamment pour les résidences principales, dans un contexte où les délais de vente restent longs. Pour les terrains, la situation est plus nuancée : seule une courte majorité (61 %) recommande de vendre d'abord, le reste des professionnels jugeant l'échéance moins sensible.
Pour les négociateurs, ce positionnement stratégique est aussi un levier de communication : en accompagnant les clients dans une stratégie de cession anticipée, on accroît leur sérénité et leur capacité à se projeter dans l'achat. Il est essentiel de travailler sur la pédagogie autour du parcours immobilier complet.
Lire le marché autrement : indicateurs à suivre et nouveaux outils
Dans un contexte mouvant, la capacité d'anticipation repose sur une lecture fine du marché. Plusieurs indicateurs doivent être suivis de près : évolution des taux, dynamique des crédits accordés, nombre de permis de construire, taux de vacance locative, niveau de stock de biens sur le marché.
Mais au-delà de ces chiffres, les outils numériques permettent aujourd'hui une approche plus granulaire. Les notaires disposent d'outils d'analyse prédictive intégrant l'intelligence artificielle. Ces solutions permettent de croiser données socio-économiques, dynamiques territoriales et tendances de consommation pour affiner les estimations de prix ou la pertinence d'un investissement.
Il est capital que les études notariales s'emparent de ces technologies, à la fois pour leur usage interne, mais aussi pour nourrir leur rôle de conseil auprès des particuliers et des professionnels.
Vers une reprise durable ou simple rebond ?
Le printemps 2025 ouvre une période charnière. Si les indicateurs sont positifs, le marché reste dépendant de facteurs exogènes : décisions de la BCE, situation géopolitique, orientations budgétaires nationales. Une vigilance reste de mise.
Pour les notaires et les négociateurs immobiliers, c'est le moment de réaffirmer leur rôle d'experts et de guides dans un environnement encore incertain. L'analyse, le conseil stratégique et l'usage des bons outils feront toute la différence dans les mois à venir.
Le marché immobilier semble redécoller. À chacun de savoir lire la carte, pour bien choisir sa destination.